Saturday 21 January 2012

Le défilé des gueux / The Parade of the Beggars

Alphonse Cornet, autoportrait

Alphonse CORNET est né à Riom en 1839. C’est le fils d’un artisan riomois. Il commence à travailler à Paris en tant que peintre décorateur. Il suit une formation de dessinateur aux écoles de la Ville de Paris ainsi qu’à l’académie suisse. Suite à la collaboration avec deux célèbres peintres, Denuelle et Lameire, il se lance dans la peinture murale qui restera la part essentielle de son travail. Il aborde plusieurs thèmes tels que la nature morte, le portrait, l’histoire ou l’allégorie. Bien que dans la plupart de ses œuvres, son style ne soit pas très original, il se distingue de la plupart de ses contemporains avec certaines œuvres telles que La prise de Delphes ou Le défilé des gueux qui ont un style bien à part. En revanche, toutes ses œuvres sont imprégnées de l'environnement social et culturel de son époque. On peut donc retrouver toute la violence de cette époque dans des œuvres comme Le défilé des gueux. Il peint aussi des scènes mythologiques mettant en scène les dieux romains (cf. La prise de Delphes). Il meurt à Paris en 1898.

Le défilé des gueux est une huile sur toile datant de 1886 (une huile sur toile est le fait de peindre avec de la peinture à base d’huile, ensuite, cette peinture est appliquée sur un support fait en fil de lin appelé toile). C’est une œuvre de grande taille. En effet elle mesure 1m37 de hauteur et 5m90 de large. Elle fut exposée au Salon dès sa conception en 1886. Elle s’inscrit parfaitement dans la vague misérabiliste de la fin du 19ème siècle. A cette époque, l’Europe est alors en pleine croissance démographique et la France vient de connaître une défaite sans précédent face à la Prusse (aujourd’hui Allemagne) et tente de se relever. Il est important de préciser qu’Alphonse Cornet a peint cette œuvre en s’inspirant d’un poème de Pierre Giat, inscrit sur le cadre du tableau.

Le tableau, pour produire plus d’effets et pour être mieux compris, doit se lire de droite à gauche, dans le même sens que le défilé. Dans ce tableau on ne compte pas moins de 33 personnages. Le fait que cette toile ne fasse que 1m37 de hauteur n’a pas permis à Alphonse Cornet de représenter les personnages en taille réelle. Ces personnages défilent dans une rue dépouillée. Toutes les têtes des personnages sont à la même hauteur ce qui montre la simplicité de cette œuvre. La lumière de ce tableau provient du soleil qui se trouve derrière le défilé. Le fait que le défilé avance dans la direction opposée à celle du soleil, donc vers l’obscurité, est un symbole très fort. En effet, l’obscurité symbolise la mort, tous ces personnages se dirigent donc lentement vers la mort. L’artiste a joué sur la lumière et les contrastes d’ombre et les couleurs vives de certains vêtements rompent avec la tonalité sombre et dominante du tableau. La vierge ainsi que les deux personnages à sa base forment clairement une structure pyramidale. Outre cette structure pyramidale les personnages se suivent dans une sorte de frise. On retrouve dans les personnages de nombreux pauvres venant de plusieurs univers différents. Pour faire simple, on retrouve de droite à gauche : deux hommes sandwichs, une marchande de limonade, un homme qui tient des chiens sur ses genoux, un artiste peintre, un vendeur puis un groupe d’artistes.

Puis le défilé s’interrompt et l’on peut voir au centre de l’œuvre une femme qui évoque une Vierge, mais celle-ci n'a plus assez de lait pour faire téter son fils. Il y a aussi une femme pleurant sur le corps de son enfant mort, probablement de faim et de froid. Le défilé reprend ensuite avec un homme qui tourne le dos au spectateur et regarde la Vierge. Cet homme est assis sur une sorte de planche à roulettes car il n’a plus de jambes, c’est un cul-de-jatte. Après lui suit toute une famille. Ils ont tous le dos courbé, même les plus jeunes, comme s’ils portaient le poids de tous les malheurs du monde sur leurs dos. Après la famille, il y a un homme, jouant un instrument de musique, probablement une guitare, qui nous fait face. Il regarde le défilé comme si ce dernier était une source d’inspiration et semble encourager la progression du défilé. Il apporte un peu de gaieté à ce tableau très sombre et triste. En tête du défilé, on retrouve une petite fille qui vend des fleurs. C'est probablement une marchande de fleurs qui se retourne, comme pour s’assurer qu’elle est bien suivie. Tout à droite du tableau, donc au début du défilé, un enfant tient ses mains en cornet pour inciter, semble-t-il d’autres personnes à se joindre au défilé. Ces trois personnages sont à part car ils sont sans aucun doute les plus importants de ce tableau avec la Vierge. A l’arrière plan, sur le mur, il y a de nombreuses affiches dont les slogans sont : « La vie joyeuse », « Bal Bullier » ou bien « S.D. » pour « Soirée Dansante ».

Alphonse Cornet a cherché à développer un monde très noir et ce tableau reflète avec son propre sentiment et sa propre perception toute la cruauté de son monde. Beaucoup de détails de cette œuvre sont très importants. Par exemple la vierge représentée au centre du tableau est censée protéger la population et c’est pourquoi on peut ressentir une certaine contradiction car les personnes représentées ici sont dans la misère. La vierge est ici une allégorie de la misère. Les affiches en arrière plan sont aussi des détails importants de cette œuvre. On y retrouve par exemple l’intitulé « La vie joyeuse» en total opposition avec ce défilé de gueux. Beaucoup d’autres détails se cachent ainsi dans le tableau et offrent de nombreuses significations diverses. Pour conclure, même si la composition de l’œuvre parait simple le sens, lui, est très fort et c’est pourquoi cette peinture peut avoir un fort effet émotionnel sur les observateurs de l’œuvre. Notons aussi que nous pourrions réaliser ce tableau à notre époque, en changeant quelque peu les costumes…

Dès que nous avons vu ce tableau, nous avions tous les deux ressentis une sorte de tristesse mêlée à de l’admiration. Deux scènes nous ont marqués particulièrement : celle avec l’enfant mort, qui représente pour nous le point culminant de l’aspect tragique de cette œuvre. Et celle représentant les artistes et peintres dans la misère. Ce qui nous a frappé, c’est que cette peinture est le reflet de notre société actuelle, et non pas simplement une œuvre du passé. Nous avons été impressionnés aussi par les grandes dimensions de l’œuvre.
 
Photos P Mathiaux with kind permission Musée Mandet (click on the picture to enlarge)

Alphonse Cornet was born in Riom in 1839. He was the son of a tradesman. He began work in Paris as a painter and decorator. He did his training at the Arts schools of Paris and at a Swiss academy. After a collaboration with the famous painters Denuelle and Lameire, he started wall painting which was to become the essential part of his work. His paintings are in various genres: still lives, portraits, historical and allegorical. Although most of his work is not in an original style, works like “The Parade of the Beggars” or “The Plunder of Delphi” do have a style apart. All his work is heavily influenced by the socio-cultural environment of his time, including the violence and poverty, which “The Parade of the Beggars” illustrates well. He also painted mythological scenes picturing the Roman Gods. He died in Paris in 1898.

The Parade of the Beggars” is an oil painting on canvas dated 1886. The oil-based paint is applied on a canvas made of flax. This painting is very big: 1,37m high and 5,90m long. It was exposed at the Salon in 1886. It is in the “Miserabilisme” style typical of the end of the 19th century. At this period, Europe's population was rising sharply and France had just been defeated by Prussia (today Germany) from which it was attempting to recover. It is also important to mention that Alphonse Cornet was inspired by a poem by Pierre Giat (it is transcribed on the picture frame).

To be understood properly, the painting must be read from right to left, in the same direction as the parade is going. In this painting, there are 35 characters and various animals. The fact that this canvas is 1,37m tall did not allow Cornet to represent the true height of the characters.

These characters are marching in a denuded street. Most of the characters’ heads are at the same height which shows the simplicity of this work. The light of this painting comes from the sun that is situated directly above the parade. The beggars are walking away from the sun, hence towards the darkness, which symbolizes death... The bright colours of some of the clothes are in total opposition with the dominant dark tonality of this painting.

The Blessed Virgin (“Hail the Queen, the poor salute you” is written above her) and the three characters underneath her form a central pyramid. The characters follow each other in a kind of frieze. One can observe among the characters many poor people of various origins, including, from right to left: a child inciting people (ourselves?) to join the parade, then two sandwich-men, a lemonade merchant, a man holding dogs on his knees, a painter, a tradesman and then a group of artists, then the harrowing central scene with the Virgin who doesn’t have enough milk to feed her son, a woman crying over her son's dead emaciated body.

The parade starts again with the legless man who turns his back to the spectator and who is looking at the Queen of Heaven. Then there is a family, their backs bent, even the youngest, as if they were carrying the weight of the world on their shoulders. After the family, there is a guitarist, his body towards us. He looks at the people following him and seems to be trying to encourage them. He brings a little cheerfulness to this very sad display. At the head of the parade, there is a tiny flower girl. She is looking behind her, as if to make sure that she is being followed. In the background, on the wall, there are numerous posters (“Joyful life”, “Bullier Ball”).

Alphonse Cornet depicts a very sad scene. His painting reflects his feelings and his perception of the cruelty of his world. It also condemns the poverty of his era and aims to raise public opinion about social misery. Many details of this work are very important. For example, the Virgin is supposed to protect the population, give it hope, but she is in as sorry a state as the poor in the procession. She is here more of an allegorical figure of poverty. The background posters are also important details of this work; they are an ironic comment on what is happening; there is apparently nothing “joyful" in the lives of these beggars...

The composition of the work is simple and the meaning is very clear. Could we not place this picture in our own time by just changing the clothes of the characters? The emotional impact would probably be the same.

When we first saw this picture, we felt great sadness mixed with admiration for the artistic quality of the work. We were also impressed by its dimensions. Two scenes marked us particularly: the dead child, and the poor artists and painters. This painting might be 19th century, but its message is, unfortunately, still relevant today...
















No comments:

Post a Comment